S’il y a bien un quartier de Düsseldorf que vous connaissez parfaitement, où vous emmenez en priorité vos amis de passage, où vous allez dîner en terrasse l’été, où vous venez flâner le week-end, au coucher du soleil, sans vous lasser d’admirer l’architecture et la vue sur le rhin… c’est le Medienhafen !
Medienhafen signifie littéralement port des media. En effet, bon nombre de studios de télévision, de groupes de presse, d’agences de communication, publicité et design ont été les premiers à faire le pari, dès 1989, de s’installer dans la zone portuaire de Düsseldorf en plein renouveau. Aujourd’hui ils ne représentent plus qu’une petite partie des entreprises.
Le Medienhafen que vous connaissez ne date réellement que des années 1990 et 2000. Le port des médias, si prisé aujourd’hui, n’a pas toujours été un quartier «fréquentable»… Il a y un siècle, l’actuel quartier huppé des affaires était essentiellement composé d’entrepôts, de silos, de grues et de bateaux. C’était un des plus gros ports céréaliers, le grenier à blé de la région, notamment avec les grands moulins Georg Plange.

Pour la petite histoire…
A la fin du XIXème siècle, l’Allemagne est en pleine période d’industrialisation et les besoins en matière de transport fluvial se développent rapidement. A Düsseldorf, la place manque pour les bateaux qui accostent directement le long du Rhin dans la Altstadt.

Le nouveau Zoll- und Handelshafen de Düsseldorf, installé sur les terrains marécageux du sud de la ville, est inauguré en grandes pompes en 1896. Ce tout nouveau port douanier et de commerce, entièrement électrifié, est le plus moderne d’Allemagne, après Hambourg et Brême !

Après des débuts florissants, le port tentera de surmonter les difficultés engendrées par la première guerre mondiale, la grande dépression et les dégâts subis par les bombardements alliés, en 1945. C’est finalement à partir de 1950, avec le miracle économique, que le Handelshafen retrouve enfin une dynamique. Mais celle-ci ne durera finalement que jusque dans les années 60.
En 1974, la taille de la zone portuaire est surdimensionnée par rapport aux besoins et le conseil municipal décide de la réduire en aménageant la zone douanière, zone tampon entre le coeur du port et la vieille ville. Les grands moulins Fortin, installés sur ce terrain, sont sommés de déménager un peu plus loin.
Le Zollhafen (port douanier) est converti en Yachthafen (port de plaisance) en 1982 et la Wasserschutzpolizei (police fluviale) s’installe sur le bout du futur Rheinpark Bilk.
Puis de nouveaux bâtiments sortent de terre : la Rheinturm (tour de télévision) en 1982, le Landtag (parlement régional) en 1988, les studios WDR en 1991. Enfin le Rheinpark Bilk, un espace vert de 4 hectares longeant le Rhin, est aménagé en 1998.

En 1989, le Handelshafen de Düsseldorf est totalement tombé en désuétude. Il est devenu le rendez-vous de la scène underground, les artistes ont investi les locaux abandonnés.

La ville de Düsseldorf décide donc de prendre les choses en main et de donner une nouvelle vie à ce quartier. Le Handeshafen va signer son renouveau architectural.
Du Handelshafen au Medienhafen
A partir de 1989, Düsseldorf va miser, sans aucune volonté d’unité de style, sur des architectes mondialement reconnus comme Franck Gehry, Renzo Piano, Steven Holl, Fumihiko Maki ou le français Claude Vasconi, mais aussi sur une nombreuse équipe d’architectes allemands. Le Medienhafen porte d’ailleurs aussi le nom d’Architekturmeile (allée des architectes).
Une des premières réalisations, terminée en 1998, est l’ensemble des 3 bâtiments conçu par Franck Gehry et devenu un des emblèmes de la ville : Der neue Zollhof.

Suivront d’autres bâtiments assainis, rénovés ou tout simplement érigés comme le Colorium et le Roggendorf-Haus en 2001, le Wolkenbügel, le Alte Mälzerei, la Haus der Architekten en 2002, les Plange Mühle en 2003, le pont piéton Living Bridge en 2005 et enfin les Doppelhochhaus (tours jumelles) de la Hafenspitz en 2010 sonnant la fin de la légendaire plage «Monkey’s Island».
Le résultat est particulièrement réussi. Les immeubles modernes cohabitent avec les anciens entrepôts réhabilités. L’atmosphère du port est encore fortement perceptible : de nombreux vestiges ont été conservés comme les quais, les rails, les bollards en fonte, les rampes en fer forgé, les grues…
Le Medienhafen concentre aujourd’hui les trois quarts de l’activité économique de la ville, avec plus de 800 entreprises employant 8.600 personnes. Contrairement aux premières années, seulement une petite partie des entreprises appartient aujourd’hui au monde des médias. Ce sont des show-rooms, des cabinets d’avocats et d’architectes, des agences immobilières et de communication, des entreprises high-tech, des starts-up, des hôtels, des restaurants qui occupent le terrain.
Et le Medienhafen de demain ?
Parmi les projets en cours de réalisation ou à venir, on trouve tout d’abord deux ensembles de bâtiments ultra modernes au sud du Medienhafen. Il s’agit des sièges des entreprises Trivago (complexe de forme arrondie) et Uniper (le «Float» de l’architecte Renzo Piano). Les deux constructions de 26.000m2 et 10.000 m2 seront opérationnelles en milieu d’année 2018.



Entre le complexe Trivago et l’hôtel Hyatt Regency, l’actuel parking découvert de la Speditionstraße devrait bientôt céder la place à deux tours résidentielles de 60 mètres, conçues par Frankonia Eurobau (cf Andreas Quartier, plus d’infos ici) et offrant un pool de 400 appartements de 40 à 50 m2, destinés plutôt à des célibataires. Les travaux devraient commencer bientôt et se terminer mi 2020.

Coté bras de port voisin de la Speditionstraße, de nouveaux bâtiments devraient bientôt investir la Kesselstraße. Il est prévu de construire des immeubles commerciaux et hôteliers en lieu et place des entrepôts abandonnés et du terrain vague actuel. L’option immeubles résidentiels, envisagée au départ, a été abandonnée par la ville, les sociétés environnantes craignant une plainte des futurs riverains quant aux nuisances d’un environnement principalement composé d’entreprises. Un projet culturel, tel que musée, est également à l’étude. Mais dans un premier temps, il s’agit de surélever le promontoire, actuellement inondable, et d’étudier la capacité du terrain, âgé de plus de 100 ans, à accueillir garages souterrains et nouvelles constructions (en savoir plus sur le projet Pier One ici).
Enfin, sur le bras suivant, celui de la Weizenmühlenstraße, à l’extrémité des locaux des grands moulins Georg Plange, réhabilités en 2003 par l’architecte Christoph Ingenhoven, on parle de construire une clinique privée… A suivre !


Bref, qui aurait imaginer il y un siècle que le port de Düsseldorf deviendrait le quartier phare et le pole d’attraction de la ville ?
Pour approfondir le sujet, suivez le lien ici pour visionner une video sur le Düsseldorfer Hafen (Doku am Freitag de la WDR).