L’Allemagne par les livres : Une femme à Berlin !

Après «Seul dans Berlin,», voici «Une femme à Berlin» (tire original : Eine Frau in Berlin), un témoignage exceptionnel à lire ou à relire absolument.

Ce bouleversant récit autobiographique est le journal intime d’une femme de 34 ans, rédigé entre le 20 avril et le 22 juin 1945, édité en 1954 aux Etat-Unis et en 1959 en Allemagne et redécouvert en 2001 à la mort de l’auteure, restée anonyme de son vivant.
Celle-ci est en réalité Marta Hillers (1911-2001), une femme érudite qui étudia à la Sorbonne, voyagea dans toute l’Europe et travailla dans une maison d’édition à Berlin. Son identité fut retrouvée par la presse en 2003.

Elle raconte la prise de Berlin par l’armée rouge, les bombardements, les ruines, le pillage, la vie précaire des berlinois et surtout le sort quotidien des femmes allemandes, à la merci de combattants russes utilisant le viol comme arme de guerre et punition.

En effet, entre avril et septembre 1945, environ 100.000 femmes allemandes à Berlin et deux millions sur le front russe, mères de famille, adolescentes, sexagénaires… ont été violées par des soldats russes. Ce sujet fut longtemps considéré comme tabou, évoquer les souffrances des Allemandes à la fin de la guerre, au regard des crimes nazis, paraissait sans doute déplacé.

L’auteure décrit avec un réalisme presque clinique et un détachement surprenant, tel un documentaire, les viols à répétition, la fatigue, la faim, le froid, la peur, l’instinct de survie des habitants de Berlin. Certaines femmes, comme l’auteure, prenaient finalement un haut gradé pour amant afin de n’être violée que par un seul et même homme et assurer la subsistance de leur entourage.

Écrire fut sans doute le seul moyen pour Marta Hillers de supporter l’indicible et éviter de se murer dans la haine et le silence.

«Viol: qu’est ce que ça veut dire ? Quand j’ai prononcé le mot pour la première fois, vendredi dans la cave, un frisson glacé m’a parcouru le dos. Et maintenant, je suis capable d’y penser, de l’écrire d’une main froide, je dis le mot tout haut pour m’habituer au son. Il évoque le pire, le comble, mais ça ne l’est pas.»

Ce récit fit scandale à sa sortie en 1959 en Allemagne. Marta Hillers fut notamment accusée de prostitution… Les Allemands de l’époque n’étaient sans doute pas encore prêts à revivre cet aspect douloureux de leur histoire, d’autant que le récit décrit la lâcheté des hommes, anéantis par la défaite, et le courage exceptionnel des femmes.

Il faudra attendre 2001, près de 60 ans plus tard, pour que «Une femme à Berlin» remporte le succès qu’il mérite et devienne un best-seller. Un film «Anonyma, eine Frau in Berlin», réalisé par Max Färberböck, est également sorti sur les écrans allemands en octobre 2008.

À lire aussi, un article très intéressant du Monde sur les viols de 1945 ici

Bonne lecture !

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